La visite académique
Le terme consacré de « visite académique », désigne un mode d'intervention consistant en l'organisation de visites effectuées aux cabinets des praticiens, le plus souvent par des médecins, des pharmaciens d'officine ou d'anciens visiteurs médicaux, pour le compte d'institutionnels (Hôpitaux et « Managed Care Organizations »), et visant à améliorer la qualité ou l'efficience de la pratique médicale, notamment en matière de prescription du médicament.
Ce concept de l' « academic detailing », encore appelé « counter detailing » (contre visite) ou « outreach visits », est née aux USA dans les années 1980, grâce aux travaux de deux chercheurs de l'Harvard Medical School de Boston, qui avaient réalisé une série d'interventions visant à modifier les comportements de prescription des médecins. Ces auteurs avaient parfaitement compris tout l'intérêt pour les institutions de s'inspirer des méthodes utilisées avec succès par les firmes pharmaceutiques afin de modifier efficacement les habitudes de prescription.
Stephen SOUMERAI et Jerry AVORN ont codifié les principes de la visite académique dès 1990 :
Principes de la « visite académique »
(JAMA. 1990;263:549-56)
1/ Identifier lors de l’entretien quelle est la connaissance du médecin sur la question et quels sont ses déterminants de prescription,
2/ Cibler le groupe de médecins à visiter ainsi que les leaders d’opinion pouvant les influencer,
3/ Définir des objectifs éducationnels et comportementaux précis (clairs),
4/ Construire la crédibilité en affichant son appartenance à une institution reconnue, en délivrant une information non biaisée et faisant autorité, et en présentant les deux thèses d’un sujet controversé,
5/ Favoriser la participation active du médecin en l’encourageant à s’exprimer,
6/ Utiliser un matériel pédagogique visuel (graphiques) et concis,
7/ Souligner et répéter les principaux messages,
8/ Effectuer des visites de suivi (rappel), pour reconnaître et souligner l’intérêt du changement de comportement, afin de renforcer l’appropriation par le médecin des pratiques améliorées.
En France, la Haute Autorité de Santé (HAS), depuis le 1er juin 2006, consacre une page à la visite académique sur l' "Espace Professionnels de santé" de son site.
Pour la HAS, la visite académique, permet de répondre à l'obligation d'évaluation des pratiques professionnelles (EPP). S'appuyant sur une revue de la littérature ainsi que sur l'expérience française « Infoproximed(*) », l'autorité précise quels sont les principes constitutifs de la visite académique, selon elle :
Cliquez sur l'image pour télécharger la plaquette complète réalisée par la HAS
(*) : Infoproximed est un programme expérimental conçu en Bretagne par l'Urcam, le Crim (centre régional d'information sur le médicament) et la société de conseil Îcones, avec la contribution de la Revue Prescrire. Il a été mis en oeuvre et piloté par l'association Apimed (Association pour l’information médicale) - En savoir plus : http://www.adiph.org/infoproximed/index.html
La HAS rappelle également quelles sont les 4 étapes d’une « démarche qualité » applicables à la visite académique : Planifier > Faire > Analyser > Améliorer
La démarche qualité en matière de visite académique :
1/ Planifier et programmer la visite :Planifier les cycles de visites ;
Choisir les thèmes ;
Concevoir des messages pertinents ;
Réaliser les supports (visuels, fiches-affiches/patients, reminders).
2/ Faire réaliser la visite :
Présenter les messages ;
Proposer des aides de mémorisation ;
Proposer des informations patient ;
Échanger sur les habitudes du médecin concernant la prise en charge du patient, dans le thème présenté ;
Identifier les pistes d’amélioration perçues par le médecin ;
Recueillir son opinion sur l’intérêt de la visite.
3/ Analyser les prescriptions :
Auto-évaluation de la pratique individuelle de prescription (dossiers) ;
Impact sur les prescriptions (données de l’Assurance maladie) ;
Suivi des indicateurs déterminés préalablement.
4/ Améliorer :
Concernant la dernière étape d’amélioration, qu’il me soit permis de compléter ici les recommandations de la HAS par la nécessaire recherche des points de progrès du coté du promoteur de la campagne d’intervention. Lequel doit mettre à profit cette étape capitale pour réfléchir aux moyens de perfectionner encore la démarche : formation des visiteurs (médicale et scientifique, techniques de gestion d’entretien en face à face) ; pertinence et clarté des messages, outils de communication ; méthodes de planification des visites ; prise de rendez-vous téléphonique …
« Physician profiling » ou « report cards »
Les interventions les plus performantes ont combiné la visite académique à l'utilisation de retours personnalisés très détaillés, historisés et précis. Une technique appelée de l'autre coté de l'atlantique « Physician profiling »
Exemple d’une intervention ayant porté sur la prescription des antidépresseurs de la famille des ISRS (Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) : Yokoyama et al. JMCP 2002;8 :23-31. Téléchargez la publication : /Documents/JMCP-Yokoyama-SSRI-2002.pdf
Exemple d’interventions ayant porté sur la prescription d'antihypertenseurs :
Neal et al. JMCP 2000;6 :307-310. Téléchargez : /Documents/JMCP-Neal-HTA-2000.pdf
Siegel et al. AJH 2003; 16:508-11. Téléchargez : /Documents/AJH_Siegel_academic_detailing_to_improve_antiHTA_prescribing_patterns_06_2003.pdf
Autres références documentaires :
Intervention sur les « statines » : Baran et al. JMCP 1996 ;2 :148-57.
Téléchargez la publication : /Documents/JMCP-Baran-LipidLowering-1996.pdf
Intervention sur les « antibiotiques » dans l’angine aiguë : Cœnen et al. JAC 2004 ;54:661-72. Téléchargez la publication : /Documents/JAC-Coenen-ATB-2004.pdf
Egalement sur le thème des antibiotiques : Farris et al. Pharmaceutical Research 1996;13:1445-52. Téléchargez la publication : /Documents/PharmaceuticalResearch-Farris-ATB-1996.pdf
Une intervention associant visite académique et aide décisionnelle assistée par ordinateur, ayant permis d'améliorer le diagnostic et la qualité de prise en charge de l'insuffisance rénale chronique (réduction notamment de l'emploi de la metformine et des AINS chez les patients avec filtration glomérulaire inférieure à 60 ml/min/1.73 m2) : http://www.jabfm.org/cgi/reprint/21/6/522
Idem, le renforcement démontré de l’efficacité de la visite académique par le support décisionnel informatique, au sujet de la prescription des antibiotiques dans la pneumonie communautaire aiguë (31/08/2008) : BMC_Medical_informatics_and_Decision_making_31_07_2008.pdf
Quelques publications de « fond » :
La première étude publiée par Jerry AVORN et Stephen SOUMERAI, dans le New England Journal of Medicine – NEJM 1983;308:1457-63. Téléchargez l’abstract : /Documents/NEJM-AvornSoumerai-1983.pdf
Les principes de la visite académique, des mêmes auteurs dans le Journal of the American Medical Association – JAMA 1990;263:549-56. Téléchargez l’abstract : /Documents/JAMA_Soumerai-Avorn-26-01-1990.pdf
La page sur le site de l’AHRQ*, consacrée à la visite académique, avec l’exemple de la Pennsylvanie : http://www.innovations.ahrq.gov/content.aspx?id=2250&tab=1 (Dernière MAJ : 08/12/2008) ; (*) Agency for Healthcare Research and Quality, l’équivalent nord américain de notre Haute Autorité de Santé.
La page consacrée à la visite académique sur le site du mouvement « Progressive States Network – National change state by state » aux USA : http://www.progressivestates.org/policy/issue/1758
Un descriptif et quelques exemples de visite académique (11/2008), ainsi que son analyse économique (03/2008), réalisés par l’association « Prescription Project » ;
Craig STERN « Academic Detailing : What’s in a name ? » JMCP 1996;2:88-90.
Téléchargez la publication : /Documents/JMCP-Stern-AcademicDetailing1996.pdf
Alan BARREUTHER « Academic Detailing to Influence Prescribing » JMCP 1997 ;3:631-8
Téléchargez la publication : /Documents/JMCP-Barreuther-AcademicDetailing1997.pdf
“L’indispensable” « Cost Containment Strategies For Prescription Drugs: Assessing The Evidence In The Literature », Jack HOADLEY pour la “Kaiser Family Foundation”. Lire particulièrement les fiches « 4b. Physician profiling » p 61 et « 5c. Counter Detailing or Academic Detailing » p 75-76.
Téléchargez la publication : /Documents/Cost-Containment-Strategies-for-precription-Drugs-Assessing-The-Evidence-in-the-Literature-Report.pdf
Le programme collaboratif canadien de visite académique – Rosemary BACOVSKY et al. CPJ/RPC 2006 ;139 :54-7. Téléchargez la publication :/Documents/ClinicalReview-CanadianAcademic.pd
L'association CADC, pour Canadian Academic Detailing Collabaration, regroupant 5 états au Canada (Alberta, British Columbia, Manitoba, Nova Scotia, et Saskatchevan), a d’ailleurs formalisé récemment ses bonnes pratiques de visite académique dans un référentiel : « SHOW ME THE EVIDENCE - Best practices for using educational visits to promote evidence based prescribing ». Comme dans nos expériences françaises, la réussite nécessite de satisfaire à certaines exigences :
- Des messages équilibrés, pertinents et au contenu approfondi (insightful and balanced messages) ;
- L’entraînement et l’approfondissement des connaissances chez les visiteurs ;
- Un matériel «éducationnel » de qualité ;
- Le fait d’aborder au cours des visites les barrières au changement de comportement ;
- L’intérêt et la participation des médecins visités est obtenue en s’appuyant sur la médecine fondée sur les preuves (EBM) et par un choix pertinent des thématiques abordées ;
- La mesure de l’impact des visites …
Télécharger le rapport de synthèse : /Documents/CADC_Executive_SummAug2006.pdf
Télécharger le dossier complet : /Documents/CADC_Report_AcademicDetailing.pdf
La visite académique chez nos voisins belges : Le « Project Farmaka vzw »
Il s’agit d’une visite indépendante proposée aux médecins généralistes et réalisée par des médecins ou des pharmaciens. Epaulés par un comité interne d’experts, les visiteurs FARMAKA sélectionnent 3 fois par an une thématique de médecine générale (ex : Démences, allergies, AINS…). L’objectif étant de : « promouvoir un comportement prescripteur rationnel et de bonne qualité » par la diffusion d’une information scientifique basée sur les niveaux de preuve et en proposant des outils de réflexion et d´interprétation critique de ces données.
Des documents sont téléchargeables sur le site : http://www.farmaka.be/home.php?nav=1&usub=11&lang=be_FR
Ce dispositif est financé par l´Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS, équivalent belge de notre Afssaps), qui respecte complètement la liberté scientifique du contenu du projet !
A noter l’accueil excellent des médecins visités (il est vrai que les visites s’effectuent sur la base du volontariat).
Dernière minute : Le Sénat américain envisagerait-il d'étendre la visite académique à tous les états ?
12/03/2008 - Une audition devant une commission spéciale du Sénat américain examinant l’intérêt d’étendre la visite académique à l’ensemble des états unis d’Amérique : « Under the Influence: Can We Provide Doctors An Alternative To Biased Drug Reviews? » :
- L’enregistrement intégral des auditions et du débat en vidéo : http://aging.senate.gov/080312.ram
- Le texte des auditions : http://aging.senate.gov/hearing_detail.cfm?id=294598
31/07/2008 - Le projet de Loi vient d'être déposé au Sénat américain et à la Chambre des représentants, le Congrès étatsunien : /Documents/WSJ080730_AcademicDetailingBill.pdf (Voir également la page "actualités" : /Actualites.aspx
La visite académique en Australie
Depuis l’année 2000, le gouvernement australien à mis en place le NPS MEDICINEWISE, (National Prescribing Service) ; Cette structure subventionnée par le ministère de la santé, compte 120 visiteurs académiques, principalement des pharmaciens, mais aussi des médecins et des kinésithérapeutes qui arpentent tout le territoire de l’Australie, 10 fois plus vaste que la France, 3 fois moins peuplé (22 millions d’habitants) à la rencontre des 25.000 médecins généralistes. 3 ou 4 thématiques sont abordées chaque année. Une revue indépendante ? Autralian Prescriber est également éditée par le NPS. Lors de 4 premières années, le NPS disposait d’un budget annuel de 14 millions de dollars australiens. En contrepartie, il devait générer par leurs actions, une économie de 18 millions de dollars australiens. Aujourd’hui, leur budget annuel s’élève à 45 millions, pour 70 millions de gains pour le PBS (assurance maladie australienne) ;